TER : la SNCF admet avoir des coûts 30% plus élevés que ceux de ses concurrents en Europe

Publié le par ARDSL

Dans son édition du 24 février, le quotidien économique Les Echos s'appuie sur un document interne à la SNCF qui montre que la compagnie publique française a des coûts de production plus élevées que les autres compagnies ferroviaires européennes. A l'heure de l'ouverture à la concurrence du TER, la SNCF pourrait donc se retrouver en difficultés face à des compagnies qui pourraient effectuer des prestations à un coût moindre. Nous reproduisons l'article des Echos.


Dans une étude interne, la compagnie ferroviaire reconnaît que la facture des régions pourrait être 30 % plus basse si le groupe public appliquait les mêmes méthodes que ses concurrents en Europe. Cela passe notamment par une plus grande flexibilité de la réglementation du travail.

Depuis des mois, les concurrents de la SNCF rongent leurs freins. Le processus de libéralisation du transport régional de voyageurs (les TER) est sans cesse repoussé par les pouvoirs publics, dans l'attente d'un rapport parlementaire qui doit donner les règles du jeu. Cette attente est dénoncée par des groupes privés comme Veolia, qui estiment que leur entreprise serait capable d'assurer un service équivalent aux régions pour beaucoup moins cher. Fanfaronnade ? Pas si sûr, si on en croit une étude comparative proposée à l'automne dernier par la SNCF à une centaine de cadres de sa branche transport régional.

Les conclusions de ce document - dont « Les Echos » ont obtenu une copie -sont claires, évoquant « une position concurrentielle difficile pour la SNCF ». Cette remarque s'appuie sur l'étude de 15 concessions en Europe (Royaume-Uni, Suisse, Suède, Pays-Bas et Allemagne). Par rapport à ces concurrents potentiels, le groupe public paraît handicapé : son TER « aurait 30 % d'écart sur les coûts de production», soit une différence de 22 % ramenée au total des coûts (qui comprennent en plus notamment les péages). Ce n'est pas un détail pour les régions qui financent le transport ferroviaire régional à hauteur de 70 % (le reste provient des recettes voyageurs) : celles-ci pourraient donc escompter une remise de 36 % si les recettes des concurrents étaient appliquées. Même raisonnement pour le Transilien en Île-de-France : celui-ci souffre de « 24 % d'écart sur les coûts de production [...], soit 25 % de baisse des dépenses de l'Autorité organisatrice », est-il ainsi écrit dans cette étude.

Ces différences tiennent avant tout à l'existence d'un « modèle de production standardisé en Europe, qui n'est pas celui de la SNCF », selon le document. Il y a des points sur lesquels le groupe public a peu de prise, comme le choix du cadencement (l'organisation des horaires des trains de façon régulière et répétitive) partout en Europe, ce qui facilite l'exploitation. Sa généralisation en France est prévue en 2012. Le groupe public peut également envier ses homologues européens, qui bénéficient d'un parc de matériel roulant homogène quand lui doit souvent faire avec une flotte hétérogène et vieillissante. Les régions françaises investissent néanmoins de façon importante pour remettre le parc à niveau. Enfin « la durée du temps de travail est plus courte en France qu'en Allemagne ou en Suède, ce qui se répercute sur notre productivité. Il faut comparer ce qui est comparable », assure un cadre du groupe.

Polyvalence, souplesse...

Mais au-delà de ces contraintes, la réglementation du travail propre à la SNCF explique une part importante de ces écarts de coûts. Les groupes étrangers bénéficient « d'un personnel fortement polyvalent permettant une grande souplesse de gestion et une réduction du nombre de postes », relève l'étude, alors que la spécialisation des tâches est la règle à la SNCF. Par ailleurs, il n'y a pas en Europe de présence systématique des contrôleurs, comme cela peut se faire dans les TER. « Ce sont les régions qui nous le demandent. Nous n'avons pas d'état d'âme pour évoluer sur ce point », répond un cadre de la SNCF. Enfin le document note que le personnel roulant (conducteurs et contrôleurs) est « sédentaire » en Europe. Une différence de taille avec la France, où les conducteurs peuvent être amenés à des nuitées loin de chez eux, avec à la clef des indemnités. « C'est un peu délicat pour évoluer, les syndicats ne veulent pas y renoncer », souligne ce même cadre.

La concurrence va néanmoins obliger la SNCF à bouger. Elle réclame depuis des mois une convention sociale commune aux cheminots et aux salariés des futurs concurrents du privé. Une réglementation (congés, amplitudes horaires etc.) qui soit entre le minimum du droit du travail et les règles actuelles de la compagnie ferroviaire. « Rien n'est tabou, l'essentiel est que les règles soient les mêmes pour tous », explique un bon connaisseur du dossier. La SNCF est d'ailleurs consciente qu'elle devra réduire ses coûts, compte tenu de l'état des finances publiques. « Cet écart de 30 % est une borne maximale, c'est un élément de stimulation pour nous », précise la même source.

Publié dans Politique

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